Quatre destins, quatre femmes. Rien ne laissait penser qu’elles se rencontreraient un jour mais voilà, le destin en à décider autrement !

Ce livre est un plongeon au cœur des thérapies de conversion, de l’homophobie… illégales mais pourtant présentes sous nos yeux, partout dans le monde.

EXTRAIT

Je me nomme Constance de Montmorency, je suis née le
trois juillet deux mille à Paris. J’ai fait mes premiers pas à un an et deux mois. À trois ans, j’ai commencé à apprendre le solfège. C’est aussi cette année-là qu’est arrivée Marjolaine, notre nanny. Elle avait un air sévère, sentait la naphtaline, portait de vieux vêtements piquants et coiffait ses cheveux gris en chignon serré. Mes parents l’avaient engagée après la naissance de ma petite soeur Lucie car ils travaillaient beaucoup. À six ans, l’on m’imposa d’apprendre un instrument. J’eus le choix entre le violon et le piano, je choisis le piano. Jouer me permettait de me réfugier dans un monde qui n’appartenait qu’à moi, un lieu magique et imaginaire, loin de la froideur de mon foyer patriarcal où tout devait être parfait. Comme j’étais passionnée par les chevaux, père m’inscrivit à des cours d’équitation pour mes huit ans et me poussa à participer à des compétitions, là où je ne désirais que me promener dans le calme de la nature. C’est ainsi que j’obtins de nombreux prix, parcourant la France et l’Europe pour participer à de prestigieux concours, un peu contre mon gré.

Je possédais un magnifique pur-sang arabe de couleur bai, nommé Tonnerre. Son pelage était d’un sublime ton
roux. Sa crinière, sa queue, le contour de ses oreilles et le bas de ses membres quant à eux brillaient d’un beau ton noir. J’aimais passer des heures à le brosser avant de partir me promener dans les bois proches du haras où il se trouvait en pension. Parfois, durant les vacances, il m’accompagnait au domaine.

Durant les petites vacances, mes grands-parents paternels
nous recevaient sur leur domaine de Montmorency, dans une grande villa donnant sur un parc de cinq hectares. Grand-mère
aimait dire qu’elle veillait à notre éducation. Comme elle organisait des soirées mondaines et aimait nous montrer, nous nous devions d’être de parfaites petites filles. Pour chaque occasion, elle nous faisait coudre des tenues par un couturier de renom, dans un but ostentatoire. Je ne me sentais pas très à l’aise dans ce genre d’événements. Je rêvais souvent d’un monde moins étouffant et plus libre. Lors de mes seize ans, je fus introduite dans la société lors du bal des débutantes où des garçons de bonne famille me firent la cour, au plus grand bonheur de mon père, qui espérait que je ferais un bon mariage. À cette occasion, l’on me fit porter une robe blanche censée prouver ma pureté aux yeux de tous ces garçons de bonne ascendance, issus du gratin de la société parisienne. Dans ma famille, une fille ne pouvait donner son avis et mon avenir était, aux yeux de mes parents, tout tracé. Je ferais de grandes études et j’épouserais un homme de ma condition, qui me ferait de beaux enfants. Secrètement, j’espérais un peu plus d’indépendance lorsque viendrait le temps de m’assumer en
tant qu’adulte. Aux yeux du monde, je menais une vie heureuse, j’étais choyée, entourée et aimée. Mais tout cela était fort loin de la réalité.
                                                       ***

Aujourd’hui, je devrais fêter mes dix-huit ans en famille comme depuis ma plus tendre enfance. Je me sens triste à l’idée que le bonheur puisse être éphémère. Il y a encore un an, je vivais paisiblement dans un très beau duplex du seizième arrondissement de Paris et j’étudiais au lycée Henri IV, menant une vie aussi heureuse et posée que possible. Mon père, Charles Henri de Montmorency, chirurgien réputé, bien que sévère, m’offrait tout ce que je désirais. Avec ma mère Sibylle, brillante avocate, nous sortions régulièrement faire du shopping entre filles avec ma petite soeur de quatorze ans. Parfois elle nous emmenait voir des défilés de mode où elle avait ses entrées, comme elle aimait le faire remarquer.
Le mercredi, je me rendais à mon cours d’équitation avec
ma meilleure amie Apolline. Nous nous connaissions depuis le
jardin d’enfants. Elle aimait me raconter ses histoires avec son petit ami, Alix. Il avait dix-neuf ans et roulait en cabriolet décapotable rouge, offert par son père à sa majorité. Alix était de ces garçons qui “font courir toutes les filles” avec ses longs cheveux blonds, ses yeux verts et son aisance à parler. Il faisait la Sorbonne, filière Lettres, où il étudiait le latin. Souvent, le samedi après-midi, il nous emmenait aux grandes galeries parisiennes, où nous aimions flâner dans les rayons à la recherche de la dernière perle à la mode.
Il s’accompagnait souvent d’un ami célibataire et je soupçonnais
Apolline d’en être responsable. En effet, Apolline désespérait de
me voir seule, elle aurait aimé partager ce qu’elle nommait des
“sorties entre couples” avec sa meilleure amie.
Mes parents, eux aussi, s’étonnaient de ne point m’entendre
parler de garçons ou d’un éventuel petit ami, mais ils mettaient cela  sur le compte de ma timidité et de mon côté solitaire, pensant que je n’osais leur en parler. La vérité était que je ne m’intéressais guère aux garçons. Rien ne m’attirait chez eux, et je ne me l’expliquais pas. Je me contentais de penser que cela arriverait forcément un jour, que rien ne pressait…

Toutefois, la rencontre avec ma petite cousine Isis, bien qu’elle fut brève, me faisait remettre en question la personne que j’étais en mon for intérieur. Nous avions passé de bons moments
ensemble, au fin fond de la bibliothèque de grand-mère. Isis m’avait fait découvrir un autre monde, loin de celui fort étriqué dans lequel j’avais grandi. Honnêtement, je n’avais jamais entendu avant cela que l’on puisse aimer différemment. Depuis ce jour, je ne cessais de me demander si, comme elle, je pouvais éprouver de quelconques sentiments envers la gent féminine.
Seulement voilà, mon esprit se trouvait si ancré dans le fait qu’une femme doit épouser un homme que je ne cessais de me
sentir honteuse d’explorer de telles idées dans ma tête de jeune fille.
Je n’avais personne à qui en parler, hormis Isis ; mais, pour
mon plus grand malheur, elle avait mystérieusement cessé de venir au domaine huit mois après son entrée dans la famille. Malgré mes questions à ce sujet, l’on ne cessait de me répondre que cela ne me concernait pas.

Cela ne faisait qu’amplifier ma peine et mon inquiétude.

Isis possédait une telle prestance du haut de ses onze ans,
un tel courage et une force de vivre si époustouflante que je les lui enviais parfois. Elle ne craignait pas le moins du monde de crier haut et fort ce qu’elle pensait et assumait pleinement le fait d’aimer les filles.
Un tel courage à un si jeune âge m’épatait. Malgré la
perte précoce de ses parents et le traitement que lui faisait
subir oncle Charles, elle continuait à garder le sourire en disant
qu’elle s’élancerait quoi qu’il arrive vers un avenir radieux. Elle me racontait que son rêve était d’aider les gens, comme le faisait sa mère, et de parcourir le monde dans ce but. Par exemple, Isis
voulait construire des écoles en Afrique pour offrir, selon ses dires, une véritable éducation à tous les enfants, particulièrement les filles, sur toute la planète.
Son esprit utopiste était un vrai rafraîchissement. Malgré
tout, je doutais fortement qu’oncle Charles et tante Isaure
acceptent de telles excentricités.
Comme elle, j’aurais voulu trouver en moi-même ce courage
d’avouer mes ressentis profonds. Il se trouve qu’à l’époque où
nous devions avoir quatorze ou quinze ans, nos parents nous
emmenèrent à la “Manif pour tous”. Si seulement j’avais eu
conscience à ce moment-là de ce que cela représentait…
J’entendais régulièrement mes parents parler “d’aberration
de la nature” qu’était l’homosexualité, mais j’étais si jeune,
innocente et manipulable ! Comme pouvaient l’être certains de mes camarades à ce titre.
À ce stade, je pensais que mes parents m’aimaient plus que tout et telle que j’étais. Je pensais aussi que les pauvres étaient des fainéants, ne faisant aucun effort pour réussir dans la vie, à part se plaindre et aller manifester dans les rues. Je me moquais des sans domicile fixe mendiant dans la rue avec leurs chiens ou jouant d’un instrument dans l’espoir d’obtenir une petite pièce. Je ne prenais jamais le métro, mon père ne cessant de répéter qu’il était envahi de rebuts de la société et que je risquais fort de m’y faire agresser.
J’avais, autant l’avouer, une mentalité de merde.

Mais voilà, tout a basculé, pour le pire certes, mais aussi pour le meilleur…


L’on dit souvent que le destin est écrit d’avance, mais qu’il
peut changer selon si, au cours de notre chemin de vie, nous
prenons telle direction plutôt qu’une autre lorsqu’un croisement
se présente.
Tout commença l’été dernier, celui de mes dix-sept ans. Cette
année-là, nos parents avaient décidé de partir en croisière dans
les Caraïbes sur un magnifique bateau avec piscine, boîte de nuit et bien d’autres activités. À ce moment-là, je ne me rendais pas vraiment compte de la chance que j’avais ni même de la valeur de l’argent.
Nous avions pris l’avion pour Miami fin juin, passé deux jours
à Disneyland et deux jours à Universal Studio à Orlando. Étant une grande fan de Jurassic Parc et de Harry Potter, j’avais adoré me
balader sur le Chemin de Traverse et parcourir le “Jurassic Park river”. J’avais dépensé sans compter dans les boutiques, appréciant ces moments de liberté sans les parents.
Puis nous embarquâmes sur le Sirena.
La première fois que je la vis, ce fut au bord de la piscine. Ses longs cheveux bruns frisés tombaient sur ses épaules musclées. Elle avait des yeux verts à couper le souffle et un sourire embellissant son teint mat. Elle devait mesurer dans les un mètre soixante-quinze, avait un corps athlétique et une jolie petite poitrine.
Intérieurement, je me surpris à imaginer la forme de ses seins. Je ne pus m’empêcher non plus de regarder son magnifique fessier rebondi sous son maillot de bain une pièce. De prime abord, elle semblait posséder une grande confiance en elle et être très sociable.
Sans que j’en comprenne vraiment la raison, mon cœur se
mit à battre la chamade. Je ne pouvais la quitter des yeux. Elle
plongea majestueusement dans l’eau et je l’observai en train de
faire ses longueurs. Elle nageait avec aisance, telle une sirène, son corps ondulant au rythme des vagues qui portaient le bateau vers notre première escale, qui devait avoir lieu à Gustavia.

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